Comment s’entourer au début de son projet artistique ?

janvier 12, 2021

Par Cédric Tilèpe, fondateur de l’atelier de Cédric / Formation TEMPO

Un projet artistique se mène sur différents tableaux, la pratique instrumentale ne suffit pas. Lorsque l’on débute son aventure avec quelques morceaux en poche, il est assez complexe de savoir vers qui se tourner, se référer, où s’informer, quelle est la prochaine étape en somme. 
Au commencement, l’artiste (ou le groupe) est généralement seul avec lui-même et ses compositions, il doit se faire connaître en produisant, en communiquant ou en trouvant des dates de concerts s’il espère progresser dans sa carrière; il n’a pas d’autre choix que de compter sur lui-même et de mettre en oeuvre toutes les stratégies qu’il devra développer par ses propres moyens. Cela s’appelle le D.I.Y. (Do It Yourself).

Engager des professionnels de la communication n’est pas toujours la meilleure stratégie lorsqu’un projet artistique n’en est qu’à son commencement: il est trop tôt pour en identifier les besoins et les attentes réelles, les outils de promotion (notamment visuels et clips) ne sont pas suffisamment “aboutis” pour être présentés aux médias; et, au-delà de tous ces aspects, cela représente un coût non négligeable sur un budget global parfois trop faible.

Cependant, toutes ces recherches de compétences peuvent paraître coûteuses et fastidieuses et décourager l’artiste qui débute. Aussi, il est tout à fait possible, dans un tout premier temps, de regarder autour de soi, parmi ses amis et/ou sa famille, pour trouver encouragements, soutien financier et compétences insoupçonnées. Par exemple, votre cher cousin peut tout à fait posséder une caméra de bonne qualité ainsi que des bases en prise d’images pour vous accompagner sur un tournage de clip; votre mère possède aussi peut-être quelques notions en communication et serait prête à vous aider ! Il est important de s’intéresser à ceux qui vous entourent et ne pas hésiter à solliciter leur aide, gratuite et (peut-être) de qualité.

L’auto-production est tout à fait envisageable et un agrégateur tel que TuneCore permet de bénéficier de services très simples d’utilisation et accessibles pour les artistes qui veulent rester indépendants. Via cet outil digital, il est notamment possible de diffuser rapidement ses contenus sur les plateformes de streaming comme Spotify, Deezer ou Apple Music, de monétiser son contenu YouTube et Instagram, tout en récupérant 100% de ses royautés. Il s’agit également, à travers les différents outils proposés, de pouvoir bien comprendre, développer et entretenir sa communauté. 

Proposer à la vente des copies physiques de votre album est également important pour développer une offre de merchandising en ligne ou à l’issue de vos concerts. Une association (ou même un auto-entrepreneur) peut tout à fait gérer la vente de merchandising en toute légalité. Par exemple, DIFY MUSIC propose de créer sa propre boutique en ligne, un véritable service D2C (Direct to Consumer/Fan) présentant l’avantage de ne pas imposer la constitution de stocks. Autre exemple, CONFLIKARTS permet d’effectuer des pressages de CD ou vinyles avec des tarifs et délais intéressants (attention, n’oubliez pas d’intégrer le coût de la SDRM dans vos budgets de pressages). 

Concernant votre gestion du live, le self-booking est une option possible à condition, en amont, de bien identifier et de connaître les scènes locales de votre ville et/ou de votre région, de vous déplacer aux événements organisés dans ces lieux et de vous rapprocher des équipes en place. N’oubliez pas qu’un événement peut être organisé par le responsable du lieu de diffusion mais aussi par une association locale; il est donc important de se rapprocher également des structures organisatrices, surtout si elles programment des concerts dont la ligne éditoriale est proche de votre style musical; il est nécessaire de bien faire le tri. Dans la mesure du possible, une confiance mutuelle doit s’instaurer entre l’artiste et le programmateur-diffuseur: parlez de votre projet artistique, de votre recherche de dates ainsi que de votre intérêt pour le lieu. Dans l’idéal, développez une présentation claire de votre projet: des fichiers audio de bonne qualité, une biographie bien rédigée permettant d’identifier (rapidement) vos influences et votre style musical (story telling), des photos ainsi que des vidéos (clips ou sessions live). Il est également envisageable de vous rapprocher de votre SMAC (Scène de Musique Actuelle) locale qui intègre habituellement un dispositif d’accompagnement et une proposition locale dans le cadre de sa programmation (notamment en 1ère partie). La technique reste la même: se rapprocher, rencontrer l’équipe et communiquer sur ce que vous faites. 

La liste des SMAC est consultable ici.

Booker des dates ne suffit pas si l’on est dans une démarche de développement de carrière, il faut également se consacrer à toute une phase d’auto-promotion. Aujourd’hui, les réseaux sociaux constituent des outils de promotion (presque) gratuits et relativement efficaces. Animer une page Facebook et/ou un compte Instagram est primordial pour être visible du public. Il s’agit d’un espace privilégié sur lequel vous pouvez communiquer sur vos prochaines dates, y poster votre musique mais également des photos en rapport avec l’univers que vous souhaitez développer, c’est tout aussi important pour fidéliser un public. Il est également possible de sponsoriser ses publications Facebook pour espérer glaner un public différent (lookalike, audiences similaires) potentiellement intéressé par ce que vous faites. S’efforcer de développer ses réseaux sociaux, au maximum de ses capacités, est important pour la phase de promotion dite organique (exposition obtenue gratuitement, sans sponsorisation). Bien entendu, engager un professionnel de la communication est envisageable si l’on dispose d’un budget et si l’on souhaite atteindre des objectifs plus importants (en dehors du cadre de ses propres possibilités).

Concernant la partie financière de votre projet, sachez que de nombreuses aides et subventions sont proposées par différents organismes, qu’il s’agisse de la SACEM, de l’ADAMI, de la SCPP, de la SPPF ou encore du CNM (Centre National de la Musique). Toutefois, mis à part l’aide à l’autoproduction de la SACEM, la plupart des programmes d’aides sont réservés à des structures de type association ou société (peu de programmes directement accessibles aux “personnes physiques”). Tous les programmes d’aides sont consultables et régulièrement mis à jour sur le site https://www.monprojetmusique.fr/

N’oubliez pas que le crowdfunding, avec des plateformes comme Ulule, Kickstarter ou encore KissKissBankBank, peut vous permettre d’obtenir une certaine somme d’argent afin de vous aider à concrétiser un projet, qu’il s’agisse de la réalisation d’un album ou d’un clip, tout en faisant participer votre public de façon ludique et participative. Ce type d’évènement est également un bon moyen pour vous d’analyser votre audience ainsi que la viabilité (notamment économique) de votre projet, à condition de bien respecter les règles de base d’une campagne de crowdfunding réussie avec quelques questions importantes à se poser: la fanbase est-elle assez significative pour entamer ce type de financement ? La communication est-elle suffisamment développée et pertinente ? Les contreparties sont-elles  intéressantes pour votre public ? Cette phase de financement et de promotion doit donc faire l’objet d’une importante préparation avant son lancement.

Et si à la lecture de ce texte, toutes ces tâches vous paraissent absolument insurmontables et que, après avoir écumé toutes les possibilités du D.I.Y., vous faites le constat qu’il est essentiel pour développer votre projet musical de vous entourer de professionnels, sachez qu’une bonne connaissance de l’écosystème est nécessaire pour bien délimiter le périmètre d’action de chacun.


Le Manager

C’est le chef d’orchestre du projet artistique, le médiateur, le principal intermédiaire entre l’artiste et ses partenaires; il entretient un lien particulier avec l’artiste dont il gère le développement de carrière et la défense des intérêts. Les actions du manager peuvent être très étendues, tantôt “commerciales” (recherche de partenaires, de contrats, promotion du projet…), tantôt administratives (aides et subventions, gestion de budget…) mais aussi artistiques (conseils et direction, stratégie globale, création de merchandising…). En somme, le manager possède une connaissance globale de l’écosystème et orchestre la carrière de l’artiste, lui permettant ainsi de se focaliser sur sa création. Cela ne veut pas dire que le manager doit absolument tout faire (et n’importe quoi…), et certaines tâches ne sont “normalement” pas incluses dans son contrat comme par exemple booker des dates de concerts ou encore gérer tous les problèmes personnels de l’artiste; bien entendu, le manager pourrait aussi le faire mais il faut savoir mettre des limites entre le cadre professionnel et le cadre privé et poser des bases saines pour que cette collaboration puisse s’épanouir.


Le Tourneur

De son côté, le tourneur aussi appelé booker ou producteur de spectacles, est un entremetteur entre l’artiste et les diffuseurs / programmateurs de concerts. Il met en œuvre tous les moyens nécessaires pour assurer à l’artiste un certain nombre de dates sur une période déterminée tout en respectant des contraintes budgétaires (normalement) fixées en amont du projet. Le tourneur s’occupe également de tout l’aspect logistique: mise à disposition de matériel professionnel nécessaire à la représentation, solutions d’hébergement, de restauration et de transport pour l’artiste et éventuellement les musiciens qui l’accompagnent. Les intérêts de signer avec un tourneur sont multiples et notamment le fait de pouvoir bénéficier de son réseau, de ses compétences administratives et juridiques qui ne sont pas innées pour un artiste. Le tourneur peut également apporter son expertise sur le territoire et établir une stratégie de développement (tournée à la carte); par exemple, un groupe bordelais n’a pas forcément une bonne connaissance de la scène strasbourgeoise ou parisienne et ne maîtrise pas forcément l’esthétique de toutes les scènes françaises.


L’Éditeur

Aussi appelé “Publisher” dans sa version anglo-saxonne, il est souvent le premier partenaire de l’artiste et pourrait être considéré comme étant le manager de ses œuvres dont il assure le développement via différents biais: la synchro (musique à l’image, publicité), la diffusion de ses oeuvres en live, en radio ou en télé (en France ou à l’international), la mise en relation de l’auteur-compositeur avec des interprètes en recherche de répertoire, etc.

L’éditeur n’est (en principe) pas producteur mais, en l’absence de ce dernier, il peut parfois prendre ce rôle, dans son intérêt et celui de l’artiste, pour accélérer le développement du projet artistique. Pour rappel, le producteur (phonographique) est celui qui finance l’enregistrement d’une œuvre et se retrouve donc propriétaire de la part “master” (souvent opposée à la part “publishing” qui revient de droit à l’éditeur).


L’Attaché de Presse

Le rôle de l’attaché de presse est assez simple: promouvoir et faire connaître l’artiste auprès des médias (web, presse, radio, télé…). Il en est “l’entremetteur” et son travail peut être adapté en fonction des besoins, de la personnalité de l’artiste et de son projet; par exemple, certains magazines sont plus désignés à écrire un article sur un projet rock, hip-hop, electronica, etc. Cela passe par une veille médiatique et l’écoute des tendances, la rédaction de communiqués de presse, la mise en place d’un calendrier promotionnel (le fameux rétroplanning) ou encore l’entretien de relations construites avec les journalistes, en vue d’obtenir articles et interviews. Nombreux sont les avantages d’engager un attaché de presse car sa connaissance des médias, son carnet d’adresse ainsi que son expertise permettent d’éviter les faux pas et les erreurs de débutant, déterminantes dans le développement d’une carrière artistique.

En résumé, les différents partenaires de l’artiste peuvent être les suivants: Tourneur/booker, Editeur, Manager, Producteur, Attaché de presse ainsi que les différents Organismes disposant de programmes d’aides et de subventions. Ces partenaires peuvent constituer une équipe solide, intervenant à des moments précis du développement de la carrière de l’artiste. Bénéficier de ces “soutiens externes” peut représenter un coût, mobiliser des ressources, du temps et de la réflexion. Il est donc important de bien étudier en amont la réelle nécessité de collaboration avec ces professionnels, en vérifiant bien, dans un premier temps, s’il est envisageable (ou non) de mener ces tâches soi-même.

Et pour terminer, sachez que faire de la musique c’est aussi exercer un métier et que l’on peut apprendre et mieux comprendre le monde des musiques actuelles par le biais de formations, l’offre étant aujourd’hui relativement bien développée. Parmi les cursus proposés, TEMPO – Formation pour Artiste entrepreneurs – c’est une formation courte et intense pour vous aider à mieux comprendre et intégrer rapidement les principes fondamentaux qui définissent aujourd’hui le monde des musiques dites actuelles. 24 heures réparties sur 3 journées pour mieux comprendre le Tour, l’Édition, le Management, la Promotion, la Production ainsi que les Organismes et aides destinées aux porteurs de projets en musiques actuelles. Cette formation est également adaptée aux managers, en devenir ou déjà en activité, qui souhaitent maîtriser cet écosystème particulier pour mieux gérer la carrière de leurs artistes.


Formé au piano classique et à la composition, c’est en 2010 que Cédric ouvre l’Atelier, dans le but d’aider les jeunes auteurs-compositeurs-interprètes à développer leur projet musical dans les meilleures conditions, notamment via l’organisation de rencontres entre artistes et professionnels, moments privilégiés propices à la construction d’un réseau solide et précieux. Également manager et éditeur, Cédric crée en juillet 2019 son propre label – MAGNETO – label totalement indépendant distribué par BELIEVE.  TEMPO  c’est le fruit de ses 10 années de rencontres avec 1700 professionnels en activité dans l’industrie musicale.

Tags: artist tips featuring